Issu d'une famille catholique namuroise, Félicien Rops (1833-1898) va mener une vie atypique entre sa ville natale, le château de Thozée (à 30 kms de Namur), Bruxelles et Paris où il fera carrière. Non content de ses ascendances bourgeoises, il s'invente à plusieurs reprises une généalogie fantasmée, notamment dans cette lettre, où il décrit la présence de fées au pied de son berceau :
"La première, une fée sage, s’était avancée et en me touchant de sa baguette, avait dit :
« Tu seras vertueux. Et beau comme un joli page ».
Mon père, en grande peine, qui était un négociant sérieux pignonnant sur rue, avait invité les fées sages. Au moment où la plus âgée s’approchait ainsi de moi pour me doter, on entendit des grelots de rires et des chansons dans l’escalier, et un troupeau de belles filles munies de nez retroussés et de cheveux au vent firent irruption dans l’appartement ; c’étaient les fées folles invitées secrètement par ma grand’mère, une Espagnole spirituelle. Elles chantèrent :
« Tu aimeras la gloire. Et les danseuses de l’opéra ».
Alors toutes les fées folles et sages en me touchant se mirent à me gratifier à tord et à travers.
«Tu ne te griseras jamais. Que deux fois par semaine ! Tu aimeras la solitude. Et le bal de l’Opéra ! Tu aimeras la gloire. Et tu ne feras rien pour elle ! »
Etant ainsi reçu à mon entrée dans le monde, je bénis les fées toquées et les fées sages en pensant :
« Rops je suis. Aultre ne veulx estre ».
Et du coup, je tins ma devise."1
1 Maurice Kunel, La Vie de Félicien Rops, Bruxelles, P. Miette, 1937, p. 1.